L'esprit humaniste au XIIe siècle

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Author
Date
1964Permanent Link
http://hdl.handle.net/10092/8633Thesis Discipline
FrenchDegree Grantor
University of CanterburyDegree Level
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Master of ArtsL’opprobe du concept du “Moyen Age”. Depuis le XVIe siècle, l’époque désignée par “Moyen Age” a été investee, érronément, d’une crasse de mépris. Le term même de “Moyen Age”, par sa résonance semantique, évoque quelque chose de fruste, de “gothique”. Quand bien meme on chercherait a débarrasser cette expression de son coloris affectif, on ne saurait éviter la notion d’une époque transitoire, au stade embryonnaire, évoquée par le mot “moyen”. Bien curieusement, cette formule et l’idée qu’elle exprime étaient tout a fait inconnues à l’homme qui vivait alors et c’est là quelque chose don’t on ne se rend toujours compte. Il ne savait pas qu’il était “médiéval” dans le sens abstrait du mot. A premiere vue, cette remarque peut paraître quelque peu simpliste. Mais, en fait, l’homme du Moyen Age n’a pas eu le sentiment d’être témoin d’une espèce d’intermède sans lendemain entre l’Antiquité et un âge d’or future qui etait attend avec impatience. Il avait le sens de la continuité de la culture antique. Selon lui l’ideal chevaleresque et l’idéal chrétien de la pauvrete, qu’on trouvent au XIIIe siècle, faisaient partie de cette longue tradition classique. Même des thèmes littéraires et maraux, nes de facteurs historiques et sociaux du tamps, reçurrent un vernis classique. Chretien de Troyes, au debut de son roman courtois “Cligès”, témoigne de ce sens de la continuité de la culture classique: “Par les livres que nous avons Les faits des Anciens savons Et del siècle (monde) qui fu jadis Ce nos ont nostre livre apris, Que Grece ot de chevalerie Le premier los (gloire) et de clergie. Puis vint chevalerie a Rome Et de la clergie la some, (l’ensemble du savoir) Qui or est en France venue. Deus doint qu’ele I soit retenue Et que li leus li abelisse Tant que jamais de France n’isse L’enors qui s’I est arrestee. (Et que le lieu lui plaise tant, que jamais de France cette possession que s’y est arretee ne sortira-t-elle). Dans cet extrait de “cliges”, Chretien de Troyes signale chevalier et la clergie, les deux pilliers de la culture courtoise, et qui avaient autrefois fait la force et la gloire de la Grèce et de Rome, dès lors s’étaient déplacées en France de même que le héros grec du roman qui, ironiquement, quitte Constantinople pour a la cour d’Arthur en Bretagne où il espère acquerir une connaissance de la courtoisie et de la chevalerie. “Les livres que nous avons”, “nostre livre”, “la some de la clergie”, toutes ces expressions decelent le poete humaniste qui a pris conscience que son pays s’est fait dépositaire du legs antique, transmis de siècle en siècle pour le bien de l’humanite. Ce theme de la “translation studii” devait prevaloir sur les esprits pendant trois cent ans servant de base à toute une éthique coutoise et chevaleresque. C’est à partir du XVe siècle que le terms et le concept de “Moyen Age” s’insinuent dans la literature. En 1469 Giovanni Andrea, bibliothecaire pontificial, distinguait déjà “les anciens du Moyen Age des modernes de notre temps”. Sans doute Andrea avait-il l’intention de pratiquer de nouvelles modes de penser, ayant perdu le sens d’une filiation avec les siècles anterieurs. Au XVIe siècle la notion d’un “Moyem Age” et tout ce que cette époque pouvait représenter acquit une nuance de mepris.